Pour les Chambaran Sans Center Parcs
Lettre d’information du mois de septembre 2020
Dix ans de luttes, et après ?
L’annonce de l’abandon du projet de CP dans les Chambaran le 9 juillet dernier par le fondateur historique du groupe P&V, Gérard Brémond, a eu un écho médiatique important au plan national et bien sûr régional où dans l’ensemble, les réactions exprimées par les élus locaux, à commencer par le maire de Roybon, allaient de la déception affichée à la déclaration fanfaronne et revancharde. Si nous pouvons comprendre la première, nous sommes en revanche pleins de doute et de perplexité face à la seconde, qui refuse de voir dans cette décision autre chose qu’un « désastre » économique, niant l’évidence du désastre écologique auquel cet ensemble immobilier et de loisir aurait conduit (cf infra).
Nous regrettons également que de nombreux médias se soient contentés d’une présentation pour le moins sommaire, la plupart du temps caricaturale, du combat qui a été mené, illustré le plus souvent par une photo sans légende représentant « une » ZAD et surtout l’absence de mise en perspective de ce recul au regard des enjeux environnementaux auxquels l’ensemble de la planète se trouve confrontée.
PCSCP a reçu par ailleurs de nombreux messages de sympathie, d’encouragements et de remerciements auxquels, nous avons été sensibles. Ces témoignages, nous les partageons naturellement avec toutes celles et ceux d’entre vous qui, des années durant, nous ont soutenus dans nos actions et les nombreux recours instruits auprès des tribunaux, sans oublier les avocats i qui ont su, à nos côtés, transcrire nos argumentaires et porter la contradiction à la partie adverse.
Alors, Pour les Chambaran Sans Center Parcs, c’est fini ?
Il serait tentant en effet de mettre la clé sous la porte et de retourner à d’autres occupations. Mais à bien y regarder, les choses ne sont pas si simples.
Sous réserve que P&V officialise sa décision d’abandon auprès de la Cour Administrative d’Appel de Lyon, il reste que le terrain de 200 ha appartient ii toujours à ce groupe, qui peut en disposer à sa guise et, au passage, le revendre avec une confortable plus-value (à la charge du contribuable, puisqu’acheté à 30 centimes d’Euro/ m² à la commune de Roybon). Une partie de la viabilisation a été réalisée, également sur fonds publics, ce qui pourrait faciliter un ou plusieurs nouveaux projets, de même nature ou pas, mais verdis pour l’occasion afin d’être rendus compatibles avec une réglementation environnementale encore trop souvent contournée ou en retrait par rapport aux enjeux climatiques.
Dans une interview à France Bleu Isère le 9 juillet, le vice-président de la région AuRA, maire de Saint-Etienne de Saint-Geoirs et président de Bièvre-Isère-Communauté, Yannick Neuder, déclarait : « nous allons pouvoir dès à présent travailler sur des projets nouveaux de tourisme vert, avec nos produits locaux et les circuits courts ». D’accord pour les produits locaux et les circuits courts, mais qu’entend-il exactement par tourisme vert ? Comment le définit-il, avec ou sans infrastructures, carboné ou pas, pour quels services rendus à la population, avec quels moyens et surtout quels impacts ?
Ce qui ne nous rassure pas, c’est que les élus n’ont manifestement pas l’intention de tirer la leçon de leur échec, car c’est bien de cela qu’il s’agit. Pour Jean-Pierre Barbier, président du conseil départemental de l’Isère, « ce projet (…) alliait (…) le développement économique et touristique et la protection de l’environnement, car il ne touchait (sic) que 0,5 % de la forêt des Chambaran » ! (France Bleue Isère, 9 juillet 2020)
Ni l’un ni l’autre ne semblent préoccupés du fait que le territoire sur lequel ils vivent et agissent est, cette année encore, directement visé par un arrêté préfectoral sécheresse plaçant les nappes souterraines et les eaux superficielles de l’est lyonnais, de la Galaure, des Quatre vallées, de la Drôme des Collines et de Bièvre-Liers-Valloire, selon le cas, en vigilance ou en alerte renforcée iii, avec un impact direct sur l’agriculture, l’arboriculture, et la pisciculture dont vit la région.
Ni l’un ni l’autre n’ont compris que ce qu’ils nomment « développement économique », même repeint en vert, est tout simplement devenu incompatible avec les objectifs de réduction des gaz à effet de serre sur la planète, qui induisent, entre autres, une protection massive et urgente des zones humides, iv des eaux de surface et des masses d’eau souterraines. Au plan local, cet enjeu majeur passe par une protection impérative des aires d’alimentation de l’aquifère de la molasse miocène qui recouvrent la quasi-totalité du plateau des Chambaran et en font le « château d’eau » de la région.
Introduire un tourisme, même « vert », sans avoir défini au préalable les contours de ce tourisme, c’est mettre la charrue avant les bœufs. C’est aussi poursuivre sans nuance et sans débat cette politique d’aménagement du territoire du « temps d’avant » qui consiste à imposer aux populations locales des modèles prêts à l’emploi dont elles seront de toutes façons exclues.
Dans ce contexte inchangé, il nous semble donc logique de poursuivre notre travail d’investigations et d’enquêtes afin d’infléchir une politique d’aménagement du territoire avec laquelle nous ne sommes décidément toujours pas d’accord. Gageons que la vente du terrain de Roybon ne nous apportera pas les réponses attendues par rapport aux prérequis évoqués ci-dessus.
C’est la raison pour laquelle nous sommes d’ores-et-déjà engagés, aux côtés de FNE AuRA (ex FRAPNA région) dans une nouvelle action juridique visant le Schéma d’Aménagement et de Gestion des Eaux (SAGE) « Bas-Dauphiné Plaine de Valence ». Ce programme, piloté par une Commission Locale de l’Eau (CLE) est porté par le conseil départemental de la Drôme. Il constitue le cadre réglementaire de référence dans lequel les acteurs locaux (communes, communautés de communes, agglomérations, syndicats des eaux) sont chargés de préserver et de répartir la ressource en eau potable entre les particuliers, l’industrie et l’agriculture. Il présente toutefois l’inconvénient d’être incomplet dans la prise en compte de certaines aires d’alimentation, notamment autour de Roybon, et insuffisamment contraignant pour les collectivités chargées de sa mise en œuvre.
Nous reviendrons plus en détails sur ce point lors de notre prochaine AG (première semaine de novembre) à Montrigaud, qui permettra à nos adhérent.e.s de s’exprimer et de se prononcer sur les orientations qui restent à prendre.
Le bureau de PCSCP
i Voir le communiqué de notre avocat, Me Posak, sur notre site : www.pcscp.org.
ii A l’heure où nous publions.
iii Communiqué de presse du préfet de l’Isère du 3 août 2020.
iv Les zones humides jouent le rôle de piège à carbone (entre autres).