Il n’y a pas qu’au Rousset et à Poligny que la bataille juridique bat son plein. A Roybon (Isère), après un séjour au Conseil d’état, le cas a été renvoyé au tribunal de Lyon.
Mais ailleurs, Pierre et Vacances étend sa toile. Dans le Lot-et-Garonne, les premiers coups de pioche ont été donnés en décembre 2018 pour le futur Center parcs de Pindères-Beauziac (ouverture prévue en 2021), projet similaire à celui du Rousset (400 cottages + équipements aqualudiques financés par les collectivités).
Après le Center parcs des Trois-Forêts en Moselle, c’est au tour du Center parcs des Bois-Francs (Eure) d’être l’objet d’une extension majeure du site, avec le projet de construire 322 cottages additionnels, pour un total de 1262 cottages, passant de 4644 à 6546 lits (+41%), un investissement de 167,5 millions d’euros. Une Concertation préalable avec garant sous l’égide de la CNDP s’est terminée le 9 avril. L’enquête publique portant sur l’intérêt général du projet, la mise en compatibilité du PLU et l’autorisation environnementale du projet se tiendra en juin. Le propriétaire des murs est Lagune, une filiale de Batipart contrôlée par la famille Ruggieri. Lagune est aussi propriétaire du Center parcs des Hauts de Bruyères, du Center parcs d’Allgau (conjointement avec La Française) et de celui de Hochsauerland, ces deux derniers en Allemagne. Lagune détient aussi 35% des équipements et 50% des hébergements de Villages Nature.
Tentaculaire
Ailleurs en Europe, P&V poursuit son expansion. En Allemagne, suite à l’ouverture en septembre 2018 du Center parcs d’Allgau (1000 cottages), un autre doit voir le jour en 2023 à Brombachsee en Bavière. Deux autres sont à l’étude, l’un dans la région de Berlin et l’autre aux abords de la mer Baltique. Dans son programme Ambition 2022, P&V déclare sa détermination de mailler le territoire.
Au Danemark, P&V a signé une lettre d’intention en septembre 2018 pour l’exploitation d’un domaine de 500 cottages en bord de mer. P&V cherche aussi à s’implanter en Autriche, Suisse, Italie et Espagne et ne cache pas son ambition d’ouvrir un Center parcs par an (La Libre Belgique – 12 mai 2017).
De Center parcs à EuropaCity, cette prolifération de centres de loisirs est un désastre écologique à grande échelle : atteinte à la biodiversité, déplétion des ressources en eau, en bois et autres matières premières, destruction de zones humides, artificialisation des sols, pollution, source majeure de gaz à effet de serre, déchets, bruit, lumière, etc. Il est incompréhensible que les élus ne l’entendent pas et aillent même jusqu’à financer de tels projets (avec l’argent des contribuables).
A ce sujet, on voit que, hors de France, P&V n’a aucun mal à trouver des financements privés pour ses projets. Alors pourquoi, en France, nos élus s’empressent-ils de les financer, avec l’argent public?
Pierre & Vacances au milieu d’un vaste programme immobilier de rénovation
A cette explosion de nouveaux Center parcs, il faut ajouter un vaste programme immobilier de rénovation des cottages et des équipements des Center parcs existants, en partie pour le compte d’investisseurs institutionnels, qui sont ensuite revendus, après rénovation, à d’autres institutionnels ou à des particuliers. P&V fait du neuf avec du vieux, avec l’argent des autres, et se prend une belle marge au passage.
Ainsi, début 2019, P&V annonce un programme de rénovation de 550 millions d’euros dans les Center parcs allemands, belges et néerlandais (dont 200 millions provenant du groupe Blackstone, propriétaire de 7 Center Parcs). A Vielsam (Belgique), le Center parcs Les Ardennes a fait l’objet d’un lifting de 35 millions d’euros, financé par le nouveau propriétaire des murs et du foncier Atream et par les investisseurs privés des cottages. En Allemagne, après la rénovation du parc Nordseekûste (15 millions d’euros), c’est le Center parcs Hochsauerland qui est en cours de rénovation (coût : 34 millions d’euros). En France, des centaines de cottages ont été rénové aux Center parcs du Lac d’Ailette (Aisne) et des Hauts de Bruyères (Sologne), alors que P&V investit 50 millions d’euros dans la rénovation et l’extension du Center parcs des Bois-Francs (Eure).
P&V justifie cet énorme programme de rénovation par un choix stratégique de « montée en gamme » de ses produits et services dans le but d’augmenter son chiffre d’affaires. La vérité, c’est que la plupart des Center parcs et Sunparks sont vétustes et ont grand besoin d’un sérieux lifting. Donc P&V monte en gamme … et en prix. En France, le prix moyen d’une location d’une semaine a dépassé 1000 euros. Mais le pouvoir d’achat des français, lui, n’augmente pas. Résultat : le taux d’occupation des Center parcs continue de chuter (70,6% au lieu des 85% promis par P&V durant le débat public). Et en France, le chiffre d’affaires des Center parcs stagne (+0,3% en 2017/2018) malgré le nombre croissant de cottages, la montée en gamme, une plus grande flexibilité de séjour, etc. Et les pertes du groupe s’accumulent depuis 7 ans (- 46 Millions d’euros en 2017/2018). Indicateur-clé de la rentabilité, le résultat opérationnel courant des activités touristiques du groupe (la différence entre les produits et les charges d’exploitation), s’établit à 20,1 millions d’euros, au tant dire rien pour un chiffre d’affaires de 1,5 milliards d’euros. Aujourd’hui, la dette du groupe s’élève à 247,7 millions d’euros.
D’où cette fuite en avant immobilière vers plus de Center parcs, de Sénioriales et autres projets immobiliers en Espagne et ailleurs. Construire toujours plus car c’est là que P&V fait des profits. Mais tôt ou tard, la bulle éclatera.