Le projet d’implantation d’un vaste complexe immobilier et touristique sur la commune du Rousset-Marizy en Saône-et-Loire a soulevé une vive opposition qui ne cesse de croître depuis son annonce début 2014. Après un débat public houleux qui a vu s’opposer deux visions de société inconciliables, des enquêtes et études indépendantes ont mis en évidence les multiples impacts potentiels d’un tel projet sur la vie locale, l’environnement et la biodiversité, le réchauffement climatique, les ressources naturelles ainsi que sur l’économie locale et les finances publiques.
Après une description du projet telle que présentée par Pierre et Vacances-Center Parcs (PV-CP) dans le Dossier du maître d’ouvrage (DMO) suivie d’un historique exhaustif et d’un volet sur les autres Center Parcs en France, nous en analyserons les impacts, les enjeux, le modèle économique, le montage financier et révélerons les dessous de PV-CP..
Description:
Le projet d’implantation d’un Center parcs sur la commune du Rousset-Marizy consiste en un parc d’attractions aqualudiques de 86 hectares, aménagé au milieu de la Forêt du Rousset (350 ha).
Son attraction principale est l’Aquamundo, une gigantesque piscine « tropicale » couverte et chauffée à 29° toute l’année, avec palmiers, toboggans et « rivière sauvage ». Le dôme translucide est flanqué d’un espace de jeux couvert avec bowling et jeux vidéo, des boutiques, un mini-market, des restaurants et bars, représentant 12.000 m2. A proximité, 400 bungalows (total 28.000 m2) pouvant accueillir 2400 visiteurs chaque jour, répartis sur 4 « hameaux », chacun doté d’un parking.
Ce Center parcs serait conçu pour une clientèle avec jeunes enfants, offrant des activités allant du tour de poney à une visite à la « ferme », avec sa basse-cour, quelques chèvres et moutons. On pourra y louer un vélo, une voiturette électrique, faire de l’accro-branche.
Le site de 86 ha. serait entièrement grillagé. Le Chemin du Tacot, ancienne voie ferrée, serait utilisé comme voie d’accès au site et un chemin communal serait détourné afin d’en assurer la continuité. 40 hectares de cette forêt de Douglas seraient défrichés dont 20 ha. imperméabilisés, malgré la présence de zones humides sur le bassin versant de l’Arconce. Enfin, le site se trouve au cœur d’une zone ZNIEFF 2, en bordure d’une zone ZNIEFF 1 et d’une zone Natura 2000 créée afin de préserver une espèce protégée, la Cistude d’Europe.
Le Rousset (250 hab.), récemment fusionnée avec Marizy (455 hab.), est un petit village charolais situé à mi-chemin entre Cluny et Montceau-les-Mines et composé de plusieurs hameaux dispersés dans un paysage harmonieux de bocage maillé de haies, façonné depuis des siècles. Cette région est une destination touristique prisée de tous pour son patrimoine historique, culturel et paysager. Elle est aussi une destination de choix pour résidences secondaires et ceux nombreux qui ont choisi de s’y installer pour sa qualité de vie.
Réseaux et voiries seraient aménagés afin de desservir le site. Pour acheminer l’eau, un raccordement au réseau nécessiterait une extension de 14 km et un renforcement du réseau afin de satisfaire une demande correspondant à la consommation d’une ville de 3000 hab., soit environ 500 m3/jour. Une nouvelle station d’épuration, d’une capacité équivalente à 3300 hab. serait installée à environ 2 km du site. Pour alimenter en gaz les bungalows et une partie des équipements, un réseau de 8,5 km; serait nécessaire ainsi qu’une nouvelle ligne de 12 km pour acheminer l’électricité. Par ailleurs, 4 km de voirie à l’approche du site serait élargie et un carrefour aménagé afin d’accommoder un supplément de 700 véhicules par jour et par sens. La clientèle, en provenance essentiellement de la région Nord Rhône-Alpes, emprunterait donc un axe Mâcon-Cluny-Le Rousset. Enfin, 2500 tonnes de plaquettes forestières seraient nécessaires chaque année pour alimenter la chaufferie-bois de l’Aquamundo.
Selon le Protocole d’accord signé entre la Région, le Département et PV-CP en juillet 2014, mais aujourd’hui caduc, les investissements en infrastructures extérieures au site seraient pris en charge par les collectivités territoriales et les concessionnaires compétents. Voir le modèle économique et financier selon PV-CP.
Le coût de ce projet est estimé à 170 millions d’euros (chaufferie non incluse). PV-CP vendrait les bungalows entre 200 000 € et 350 000 € chacun à des investisseurs particuliers et institutionnels et en gérerait la location aux touristes moyennant un loyer « garanti » versé aux investisseurs. Pareillement, PV-CP vendrait les équipements (Aquamundo et autres équipements annexes) à une Société d’Économie Mixte (SEM) au prix de 68 millions € et gérerait l’exploitation du parc de loisirs, garantissant un loyer sur 20 ans reversé à la SEM. Une sorte de partenariat public-privé. Les collectivités (Région, Département) seraient actionnaires majoritaires de la SEM (jusqu’à 85%) qui devra emprunter environ 50 millions € sur 20 ans. Au moins 15% seraient détenus par des investisseurs privés. Ni actionnaire de la SEM ni propriétaire des cottages, PV-CP serait seulement exploitant du parc de loisirs et gestionnaire des bungalows. Le site serait géré et administré par une Association Foncière Urbaine Libre (AFUL) regroupant les différents propriétaires. Voir le document « Eléments essentiels du montage juridique et financier pour les collectivités » rendu public par le Conseil départemental le 24 juin 2015
En phase d’exploitation, PV-CP projette de créer 300 emplois dont environ un tiers pour 9 heures par semaine soit l’équivalent de 210 emplois à temps plein. Le recrutement serait réalisé en partenariat avec Pôle Emploi et les collectivités locales qui auront à charge la formation des postulants.
Par ailleurs, PV-CP estime des retombées économiques locales entre 2 et 3 millions d’euros par an (4-5 millions € pour les 18 mois de construction). Quant aux retombées fiscales, elles comprennent la taxe d’urbanisme, acquittée lors de la construction (1.3 millions €), la Contribution Économique Territoriale (500.000 €/an), la taxe foncière (200.000 €/an) et la taxe de séjour (250.000 €/an). Ce sont les chiffres fournis par PV-CP.
Dans sa présentation, PV-CP se veut socialement et environnementalement responsable, en privilégiant les circuits courts, en s’engageant dans « une démarche de qualité environnementale globale avec un objectif de certification HQE, un chantier vert, le respect de la biodiversité, une gestion économe de l’eau, l’utilisation d’énergies renouvelables et le tri des déchets ». Enfin PV-CP prétend apporter « une offre complémentaire au développement du tourisme vert répondant aux exigences du tourisme de proximité ».
Nous verrons dans les chapitres suivants que derrière cet affichage de responsabilité sociale et environnementale se cachent un tourisme de masse, la destruction d’un écosystème et sa biodiversité, un gaspillage de nos ressources naturelles, une augmentation du réchauffement climatique et de la pollution. Nous dévoilerons, derrière des promesses, les incohérences et les mensonges, les emplois sans avenir, les vices cachés d’un modèle économique périmé et le hold-up sur les finances des collectivités locales. Enfin nous dénoncerons le soutien de certains élus, aveugles, voire indifférents aux enjeux sociétaux et environnementaux de notre temps et sourds aux attentes des citoyens.