Center parcs Le Rousset : dépôt de dossier au 1er trimestre 2021

Dans son Rapport annuel 2019-2020 , Pierre & Vacances (P&V) réaffirme son intention de poursuivre les projets de Center parcs du Rousset et de Poligny :

« Pour le projet du Rousset, la faisabilité du projet de développement du Domaine a été confirmée par les tribunaux administratifs au stade des documents d’urbanisme. Pour celui de Poligny, le PLU a été annulé une première fois et a fait l’objet d’un appel formé par la Communauté de Communes. Sur ces deux projets, définis en 2015, il est apparu nécessaire d’intégrer les dernières avancées environnementales des derniers Center Parcs en cours de réalisation, en France ou à l’étranger, et les techniques actuelles notamment en matière de performance énergétique.

Plus spécifiquement, pour le projet du Rousset, il s’agit de réaliser des études complémentaires pour renforcer les engagements en matière environnementale, et proposer des adaptations au projet initial visant à renforcer la démarche « bas carbone ». Cette revue du projet sera présentée aux élus et services de l’État au 1er trimestre 2021. Pour le projet du Jura, il s’agit avec les collectivités locales et les services de l’État, de revisiter le projet sur le volet environnemental, au vu des techniques et tendances actuelles mais également de prendre en compte l’évolution des attentes clients en recherchant de nouveaux types d’hébergements, en accentuant l’ancrage territorial, en renforçant le lien avec la nature. » (Page 86)

Singulièrement, P&V reste muet sur le projet d’extension du Center parcs des Bois Francs dans l’Eure. Serait-il abandonné ?

Au Rousset, P&V annonce un projet « plus vert » et « bas-carbone », probablement similaire au Center parcs en construction dans le Lot-et-Garonne, avec des bungalows labellisés E2C1 et une chaufferie bois pour la bulle, au lieu du gaz initialement prévu. Effet d’annonce qui rendra le projet plus présentable et que les élus et autres promoteurs brandiront pour justifier leur soutien. Par ailleurs, P&V ne manquera pas de vanter les bienfaits de sa démarche RSE décrite dans le Rapport (pages 76 à 109) qui, certes, va dans le bon sens mais à tout petits pas ; un exercice réussi d’écoblanchiment à déconstruire.

Le rapport financier

Les chiffres à retenir : 336 M€ de pertes et une dette de 533 M€ ! Néanmoins, P&V se veut rassurant :

« Le Groupe dispose d’un processus de prévisions de trésorerie à douze mois qui lui permet en fonction de différents scénarios de justifier que la continuité d’exploitation n’est pas remise en cause sur cet horizon. Les hypothèses de ces scénarios portent notamment sur les périodes de fermetures administratives des sites et les ajustements des charges d’exploitation liés à ces fermetures. Sur la base de ces projections, le Groupe dispose d’une liquidité suffisante pour surmonter la crise sur un horizon de douze mois. » (page 148)

Bien entendu, ce sont les autres, en l’occurrence les propriétaires de bungalows, qui pâtissent des ajustements de charges d’exploitation, attendant toujours le paiement des loyers qui leur sont dus.

La position du Groupe serait encore plus périlleuse s’il n’avait bénéficié des largesses du gouvernement, au détriment des contribuables : prêt garanti par l’État de 240 M€ ; prise en charge des salaires grâce au dispositif d’activité partielle ; report d’échéances fiscales et sociales ; versement anticipé de crédits d’impôt ; etc. Largesses qui viennent s’ajouter aux nombreux cadeaux fiscaux dont bénéficie déjà P&V.

Et à quoi ressemblerait le bilan financier du Groupe si le gouvernement et les autorités financières n’avaient lâché la bride sur les ratios d’équilibre financiers réglementaires, notamment le ratio dette/ fonds propres:

« Le Groupe a pu par ailleurs bénéficier sur l’exercice 2019/2020 d’un certain nombre d’aménagements sur les financements avec notamment l’exonération du respect du ratio financier au 30 septembre 2020, et l’assouplissement du ratio à respecter au 30 septembre 2021, qu’il conviendra de renégocier en fonction de l’évolution de la deuxième vague liée au Covid-19, et de ses impacts sur l’exploitation touristique. » (page 35)

Exonérer des règles prudentielles une entreprise déficitaire depuis 9 ans et lourdement endettée est irresponsable. A terme, cela la rendra plus vulnérable au moment de renégocier sa dette. Ainsi, au cours de l’exercice 2022/2023, P&V devra rembourser la bagatelle de 224 M€ (voir l’échéancier à la page 175 du Rapport).

Quant aux autres chiffres du Rapport (passifs, actifs, écarts d’acquisition, encours, taux d’actualisation, amortissements, immobilisations incorporelles, etc.), seul un audit financier indépendant pourrait en démêler les complexités et en certifier la validité. Car peut-on faire confiance au cabinet d’audit Ernst & Young (EY) qui depuis 30 ans certifie les comptes de P&V, le même qui pendant 10 ans a validé les comptes frauduleux de l’allemand Wirecard et qui se trouve être aujourd’hui l’objet d’une enquête préliminaire du parquet de Munich ? Scandale qui rappelle celui d’Enron en 2002 dans lequel le cabinet d’audit Arthur Andersen avait été impliqué, condamné et enfin démantelé et dont les activités avaient été reprises en grande partie par … Ernst & Young, aujourd’hui numéro 3 mondial.

Le Groupe P&V peut-il vraiment tenir 12 mois ?

Le Groupe P&V affirme disposer de 198 M€ de trésorerie et de lignes de crédit non tirées totalisant 234 M€ (lui permettant de s’endetter encore plus). Mais peut-il tenir douze mois ?

L’exercice 2020/2021 est bien parti pour être aussi catastrophique, sinon pire, que le précédent. Le 1er trimestre (oct./nov./déc.) le confirme : en octobre, la hausse du taux de contamination au SARS-CoV-2 n’a pas incité les clients à se précipiter dans les Center parcs. Le 2 novembre, tous les sites d’Europe fermaient de nouveau. Ils rouvraient le 15 décembre mais sans grand succès puisque les piscines, spas, salles de jeux, bowling, bars et restaurants restaient fermés. Faute de clients, ils fermeront de nouveau à partir du 4 janvier 2021.

Cette situation risque fort de perdurer au 2ème trimestre (jan./fév./mars), tout comme la pandémie. A la montagne, rien ne va plus : 70% des clients ont reporté leur séjour pour la période de Noël et seulement 9 résidences (sur 65) sont ouvertes ; il est peu probable que la situation s’améliore pour les vacances de février.

Pour le 3ème trimestre (avril/mai/juin), en ce qui concerne les Center parcs, tout se jouera aux vacances de Pâques en avril, période à laquelle leur fréquentation est historiquement la plus forte. Or même les professionnels du tourisme les plus optimistes estiment que la situation ne s’améliorera pas avant l’été. Il ne restera plus que juillet et août, dans le meilleur des cas, pour au moins sauver les meubles. Pour P&V, une deuxième année noire qui se terminera dans le rouge et pourrait annoncer la chute de l’empire Brémond. 

En attendant, ne baissons pas la garde au Rousset, à Poligny et aux Bois Francs..

 

La Rédaction